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Henri Bergson

Henri Bergson 

1 PRÉSENTATION

Bergson (1859-1941), philosophe français.
Henri Bergson est le philosophe français le plus influent du début du XXe siècle. S’opposant au néokantisme et au positivisme scientifique alors dominants, il a bâti une philosophie de la conscience et du vivant en élaborant une « métaphysique de l’expérience » axée sur le concret, à la fois sur le vécu et sur les choses. Prix Nobel de littérature et diplomate reconnu, il a profondément marqué la vie intellectuelle française.

2 UN INTELLECTUEL INFLUENT ET ENGAGÉ

Né à Paris d’un père immigré juif polonais, Henri Bergson est élève de l’École normale supérieure en même temps que Jean Jaurès. Agrégé de philosophie en 1881, il enseigne dans le secondaire jusqu’en 1898 ; il devient alors professeur à l’École normale supérieure puis, deux ans plus tard, au Collège de France. En 1914, il est élu à l'Académie française.
En 1917, Henri Bergson se rend à plusieurs reprises aux États-Unis où il rencontre le président Thomas Woodrow Wilson pour tenter de le convaincre d’entrer en guerre contre l’Allemagne. En 1921, il démissionne du Collège de France pour se consacrer aux affaires internationales et à la politique. En 1927, il reçoit le prix Nobel de littérature. D’origine juive, il se tourne vers le catholicisme ; pendant les vingt dernières années de sa vie, il ne publie qu’un seul livre (les Deux Sources de la morale et de la religion, en 1932), dans lequel il explore les prolongements religieux de sa philosophie.

3 L’ŒUVRE PHILOSOPHIQUE : UNE PENSÉE LIBÉRATRICE ET CRÉATRICE

3.1 Au-delà de la dialectique, une philosophie « concrète »
Le premier ouvrage publié par Henri Bergson est sa thèse de doctorat : Essai sur les données immédiates de la conscience (1889). À travers une relecture d’Aristote, l’auteur y repose les questions traditionnelles de la philosophie (celles du temps, de la liberté, de la conscience) et renvoie dos à dos les théories antagonistes (le déterminisme et l’indéterminisme notamment) en montrant que la philosophie est restée prisonnière de faux problèmes. Aussi tente-t-il de traiter ces questions de façon « concrète », en suivant les « données immédiates » de la conscience, et de prouver ainsi que les faux problèmes (par exemple les paradoxes de Zénon d’Élée sur le mouvement) s’évanouissent d’eux-mêmes. Avec ce premier ouvrage, Henri Bergson apparaît déjà en possession d’une partie de ce que sera le « bergsonisme » : opposition entre le temps spatialisé et la véritable durée vécue de la conscience, refus de la dialectique et des faux problèmes, souci de rejoindre l’expérience concrète.
Matière et Mémoire (1896) aborde pour sa part le problème des rapports entre la pensée et la matière, et tente de montrer que l’acte de la pensée est irréductible à de simples processus cérébraux. Parallèlement, il développe sa conception de la conscience, présente dans son premier livre, en analysant les différents registres de la mémoire dans laquelle il voit la condition même de la conscience.
3.2 Où la vie et l’art s’opposent au mécanique
Le Rire. Essai sur la signification du comique (1900) explore le phénomène du comique dans ses dimensions psychologique, sociale et métaphysique. Annonçant un thème central de l'Évolution créatrice (1907), Henri Bergson oppose la vie dans ce qu’elle a de spontané, d’inventif et de libre au mécanique dans ce qu’il a de saccadé, de répétitif et d’incontrôlé. Si on ne rit à proprement parler que de l’humain, on rit de l’humain qui semble cesser momentanément d’être humain pour devenir pure mécanique, automate enfermé dans la répétition ou la caricature. D’où la célèbre formule : « Le comique, c’est du mécanique plaqué sur du vivant. »
Comparant dans une dernière partie la tragédie à la comédie, l’auteur est amené à formuler pour la première fois sa théorie de l’art : l’art tente d’atteindre la singularité qui échappe au langage comme à la vie quotidienne, même si la comédie, contrairement à la tragédie, forge des types (l’avare, le misanthrope, etc.) plutôt que des personnages singuliers.
3.3 L’élan vital
L'Évolution créatrice (1907) entreprend, par un dialogue constant avec la biologie de son temps, de penser le vivant en rejetant aussi bien le mécanisme matérialiste traditionnel que le finalisme métaphysique (notamment développé par Leibniz au XVIIe siècle). Henri Bergson tente de montrer que ces deux positions reviennent en fait au même, consistant à abolir, dans les deux cas, l’action du temps en supposant tout donné d’emblée, d’avance, soit dans les éléments de la matière et l’ordre de l’univers, soit dans l’entendement et les desseins du Créateur.
Insistant sur toutes les situations où la nature semble hésiter entre plusieurs solutions, il en vient à penser l’univers non comme la réalisation d’un plan (déposé dans la matière ou dans l’entendement divin), mais comme l’effet d’une poussée qui se différencie de plus en plus à mesure qu’elle se confronte à la matière : c’est la théorie de l’élan vital. L'unité de cet élan n’est donc pas à chercher à la fin, mais bien au début, avant que cet élan ne se fragmente sous l'effet de la matière qu’il soulève.
Puis Durée et Simultanéité (1922) propose un commentaire sur la théorie de la relativité édifiée par Albert Einstein. À la notion d’espace-temps à quatre dimensions (trois pour l’espace, une pour le temps) dans lequel le mouvement d’un corps est décrit par son déploiement symbolique le long d’une « ligne » universelle, Henri Bergson oppose la conception d’un temps unique et universel, réel, interne et vécu.
3.4 Société close et société ouverte
Les Deux Sources de la morale et de la religion (1932) applique à ces nouveaux domaines de réflexion les distinctions établies dans l'Évolution créatrice. De même qu’il y a dans la durée, d’une part, son élan créateur et, d’autre part, ses retombées mortes, de même il existe une société « close » et une société « ouverte » (distinctions qui seront reprises par le philosophe britannique Karl Popper), une morale « close » faite d’interdits et d’obligations, expression de la pression sociale, et une morale « ouverte », celle du saint et du héros ; de même existe-t-il aussi une religion statique au service de la cohésion du groupe et une religion « dynamique », celle des mystiques.
Dans la Pensée et le Mouvant (1934, collection d’articles et de conférences datant de 1903 à 1923), Henri Bergson opère (dans deux essais inédits) un retour sur sa pensée philosophique, évoquant de nouveau les thèmes qui ont guidé son œuvre (durée, intuition, etc.) et esquissant les grandes lignes de sa « méthode » intellectuelle.

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