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Economie

Qu'est-ce que la science économique?


1 PRÉSENTATION

Science économique, science sociale qui a pour objet l’étude et la recherche de « lois » permettant d’expliquer les mécanismes qui gouvernent la production, la consommation et l’échange de biens et services.

C’est certainement l’économiste américain Samuelson qui en a donné la définition la plus complète en insistant sur la manière dont les individus décident d’affecter, au meilleur coût possible, telle ressource au système productif en vue de satisfaire des besoins de consommation individuels et collectifs, présents et futurs.

L’économie a recours à deux grands types d’approches. La première, qui s’intéresse aux comportements de l’individu (le producteur ou le consommateur), ou microéconomie, explique la manière dont s’établit l’offre et la demande ainsi que le processus selon lequel s’établit le niveau des prix sur les marchés en fonction du degré de concurrence qui y prévaut, en acceptant l’hypothèse selon laquelle les individus agissent rationnellement ; ainsi, les consommateurs essaient de dépenser leur revenu d’une façon qui leur donne le plus de plaisir possible (les économistes disent qu’ils maximisent leur utilité), alors que, de leur côté, les entrepreneurs cherchent à tirer le maximum de profit des opérations qu’ils réalisent.

La macroéconomie, second modèle d’approche, s’intéresse à l’étude des interdépendances existant entre un ensemble significatif de variables globales qui synthétisent l’évolution économique. La macroéconomie est née avec la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936), de l’économiste britannique John Maynard Keynes, qui analyse les fluctuations du niveau de l’activité économique. Même si on doit l’expression à l’économiste Ragnar Frish, qui le premier a introduit le terme dans le vocabulaire économique en 1933. Son explication de la prospérité et de la récession est fondée sur la notion de demande globale de biens et de services par les consommateurs, les investisseurs et les gouvernements, et non pas sur la variation des prix. Puisque, selon Keynes, l’insuffisance de la demande accroît le chômage, il faut, pour y remédier, que les entreprises augmentent leur niveau d’investissements et que les pouvoirs publics dépensent davantage, par le biais du déficit budgétaire : selon Keynes, la politique économique volontariste peut donc compenser les variations du niveau d’activité.

 

2 HISTOIRE DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE


Aristote et Platon, dans la Grèce antique, rédigèrent des traités qui incluaient des considérations sur la richesse, la propriété et le commerce. On doit aux Grecs la première réflexion sur les choses économiques, de même que le mot lui-même qui, à l’époque, désigne une économie domestique au service de la cité. Au Moyen Âge, la théorie économique fut dominée par les prescriptions émanant de l’Église catholique, qui, par le biais du droit canon, condamnait l’usure (intérêt pris sur une somme d’argent prêtée) et considérait que le commerce était une activité inférieure, dans une échelle de valeurs où l’agriculture occupait le sommet. Cette conception de l’économie, dont le caractère restrictif peut surprendre aujourd’hui, est en accord avec les conditions de son temps : la société féodale est alors dominée par l’Église qui bénéficie du statut du plus important propriétaire foncier à une époque où l’agriculture constitue la principale activité productive de l’Homme. À cette influence matérielle s’ajoute une influence sur les esprits, l’Église exerçant un pouvoir social fort.

L’économie en tant que science moderne, distincte de la philosophie morale et de la politique, est née avec le traité intitulé Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), du philosophe et économiste écossais Adam Smith, dont la réflexion avait été annoncée par le mercantilisme et les idées des physiocrates.

2.1 Le mercantilisme

Le développement du nationalisme, déjà perceptible au cours du XVIe siècle, s’accompagna de la mise en œuvre d’une forme de politique économique, le mercantilisme, qui visait à favoriser l’autosuffisance nationale, et qui fut en vigueur, selon des degrés variables, dans tous les pays d’Europe occidentale entre les XVIe et XVIIIe siècles.

Les mercantilistes considéraient l’or et l’argent comme des indicateurs de la puissance d’un pays. Dépourvu, à la différence de l’Espagne, de l’apport que représentaient les mines d’argent et d’or du Nouveau Monde, un pays ne pouvait accumuler ces métaux précieux qu’en vendant aux autres pays plus de marchandises qu’il ne leur en achetait, accumulant ainsi un excédent de sa balance commerciale, qui contraignait les autres pays à combler leurs déficits en se dessaisissant de l’or et de l’argent en leur possession.

2.2 Les physiocrates

L’école physiocratique exerça un véritable monopole théorique en France, pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, en réaction contre les politiques restrictives héritées du mercantilisme. Le principal ouvrage de François Quesnay, fondateur de cette école de pensée, le Tableau économique (1758), tentait d’identifier les flux du revenu dans l’économie et anticipait la comptabilité nationale du XXe siècle. Selon les physiocrates, toute la richesse provient de l’agriculture ; les autres activités sont stériles et le commerce ne sert qu’à redistribuer la richesse produite par les agriculteurs.

Les physiocrates étaient partisans du libre-échange et du laisser-faire, et estimaient que la principale source de revenu de l’État pouvait être constituée par un impôt direct exclusivement assis sur la richesse foncière et la production agricole.

2.3 L’école classique

L’économie classique est née avec Smith, avant de se développer avec les économistes britanniques Malthus et David Ricardo, suivis par John Stuart Mill. Même si les divergences furent nombreuses entre les économistes classiques au cours des trois quarts de siècle qui séparent la Richesse des nationsde Smith des Principes d’économie politique de Mill (1848), les représentants de ce courant s’accordaient sur un certain nombre de principes, notamment le caractère opératoire de la propriété privée et de la concurrence comme cadre de l’activité économique et la nécessité de limiter le rôle de l’État, pour permettre le libre développement de l’initiative individuelle. De Ricardo, les classiques tirèrent la notion de rendement décroissant, selon laquelle lorsque l’on fournit davantage de travail et de capitaux pour cultiver la terre, le rendement à « moyen terme du développement de l’agriculture diminue de façon régulière ».

Pour sa part, Malthus, auteur du très important Essai sur le principe de population (1798), postulait que la prospérité économique était impossible, en raison de la croissance continue de la population et de la relative avarice de la terre. La quantité de nourriture disponible augmentant de façon arithmétique, il s’ensuivrait un décalage avec les effectifs de la population, qui tendrait à doubler à chaque génération, sauf si ce doublement était freiné par les lois de la nature ou la prudence des êtres humains. Selon Malthus, le frein de la nature était « positif » : « Le pouvoir multiplicateur de la population est tellement plus grand que le pouvoir de la terre de produire la subsistance de l’homme, que la mort prématurée doit sous une forme ou sous une autre punir la race humaine. » La mort pouvait s’abattre sous la forme de guerres, d’épidémies, de catastrophes naturelles et de famines, qui se combinaient pour faire tomber le niveau de la population mondiale au-dessous de l’offre de ressources alimentaires. Dans le cadre de cette logique, Malthus s’affirmait partisan de la limitation des naissances.

L’ouvrage de John Stuart Mill, Principes d’économie politique, publié en 1848, poursuit la réflexion de l’école classique en faisant œuvre de synthèse entre pessimistes (Malthus) et optimistes, entre rigueur libérale et les aspirations sociales de son temps. Reprenant à son compte les « lois » économiques élaborées par ses devanciers, il tente de concilier les règles de fonctionnement du marché (l’individualisme concurrentiel) avec les propositions issues du socialisme qu’il emprunte afin de formuler son programme de réformes concernant le statut du salariat, celui de la rente ou ses propositions en matière de taxation des successions. Dans l’histoire de la théorie économique, Mill apparaît donc à mi-chemin entre le laisser-faire de l’économie classique et les doctrines favorables au rôle redistributeur de l’État. On parlerait aujourd’hui à son propos de social-démocrate.

Les économistes classiques acceptaient également la loi des débouchés, doctrine développée par Jean-Baptiste Say. La loi de Say considère que le danger de chômage général dans une économie concurrentielle est négligeable car l’offre tend à créer sa propre demande dans la limite du travail humain et des ressources naturelles disponibles pour la production. Chaque accroissement de la production augmente les salaires et les autres revenus qui constituent les fonds nécessaires à l’achat de la production supplémentaire.

2.4 Le marxisme

L’opposition à l’école classique émana d’abord des premiers écrivains socialistes comme Claude de Saint-Simon et Robert Owen. Ce fut Karl Marx, cependant, qui formula les principes d’une critique radicale de l’école classique. Le marxisme en tant que théorie économique rejetait en bloc la vision classique du capitalisme.

La théorie marxiste est inséparable du principe d’opposition selon lesquels les objets ne sont définis que les uns par rapport aux autres. Sur ce point, Marx empruntait à la pensée d’Hegel, qui interprétait le mouvement de la pensée et de l’histoire humaines comme une progression dialectique, selon le schéma : thèse, antithèse et synthèse. Pour Marx, la thèse devient une série de dispositions économiques telles que le système féodal ou le capitalisme. Son contraire, ou antithèse, est le socialisme, opposé au capitalisme. L’opposition entre thèse et antithèse produit l’étape suprême de la synthèse, le communisme, qui concilie la technologie capitaliste avec la possession publique et sociale de l’appareil de production.

Dans le cadre de l’analyse marxiste, la théorie de la valeur est fondatrice. Elle reprend en fait la théorie de Ricardo, selon laquelle le prix des biens est fonction du travail qui a été nécessaire à leur production. Pour Marx, la théorie du travail était une indication du fonctionnement interne du capitalisme. Le point commun entre tous les biens est donc le travail. De ce constat découlent trois conclusions fondamentales : le travail a une valeur mais est aussi créateur de valeur appelée plus-value ; la plus-value est un profit sur lequel les travailleurs n’ont aucun droit ; le salaire n’est ainsi que la rémunération du travail en tant que marchandise ou force de travail, et non l’équivalent de ce qu’apporte le travailleur dans le processus de production. L’exploitation, thème essentiel de la doctrine marxiste, est mesurée par la capacité des capitalistes à ne verser à leurs employés que des salaires de stricte subsistance et à conserver pour eux comme bénéfices (ou plus-value) la différence entre les salaires et le prix de vente des produits.

À long terme, Marx pensait que le capitalisme s’effondrerait, dans la mesure où sa tendance à concentrer les revenus et les richesses entre les mains d’un groupe restreint engendrerait de plus en plus de crises de surproduction et des phénomènes de chômage massif. Pour Marx, la contradiction fatale du capitalisme résidait dans l’écart entre l’accroissement de l’efficacité technologique et l’insuffisance de pouvoir d’achat pour acquérir ce qui était produit en quantités toujours croissantes, ce qui constituait à terme un facteur d’explosion sociale.

Selon Marx, les prémices de l’effondrement du capitalisme se manifesteraient par des chutes de bénéfices, une augmentation de l’hostilité entre travailleurs et employeurs, et des crises économiques de plus en plus fréquentes. Le résultat de la guerre des classes serait forcément la révolution et l’évolution vers le socialisme, puis le communisme. Au cours de la première étape, un État fort serait toujours nécessaire pour éliminer les dernières oppositions capitalistes. Le travail de chaque personne serait rémunéré en fonction de la valeur de sa contribution. Quand le communisme serait atteint, l’État, dont le but central était la domination de classe, s’effacerait, et chaque individu serait indemnisé selon les besoins.

2.5 Les néoclassiques

L’économie classique est fondée sur l’hypothèse de la rareté, que préfiguraient la loi des rendements décroissants et la théorie de la population de Malthus. À partir des années 1870, les économistes fondateurs de l’école néoclassique, dont émergent les noms de William Stanley Jevons en Grande-Bretagne, de Léon Walras en France, et de Carl Menger en Autriche, s’attachèrent à étudier non plus les limitations de l’offre mais les interprétations psychologiques des choix des consommateurs. Concentrant leur analyse sur l’utilité, ou satisfaction de l’achat ultime ou marginal, les néoclassiques expliquaient les prix du marché non plus par référence aux différentes quantités de travail humain nécessaires pour produire des articles, comme le faisaient Ricardo et Marx, mais plutôt en fonction de l’intensité de la préférence du consommateur pour tel article de tel lot.

L’économiste britannique Alfred Marshall, auteur des Principes d’économie politique (1890), expliquait la demande grâce au principe de l’utilité marginale, et l’offre par la règle de la productivité marginale (le coût de la production du dernier objet d’une série donnée). Son analyse postule que, sur des marchés concurrentiels, les préférences des consommateurs pour les marchandises à bas prix et les préférences des vendeurs pour les prix élevés s’ajustent à un niveau susceptible de convenir aux deux parties. Pour tout prix réel, les acheteurs sont alors désireux d’acquérir la quantité de marchandises que les vendeurs sont prêts à offrir.

Le même équilibre obtenu par l’adéquation entre offre et demande s’opère sur le marché de la monnaie et sur celui du travail. Sur les marchés monétaires, le taux d’intérêt met en relation les emprunteurs et les prêteurs. Les emprunteurs souhaitent utiliser leurs emprunts pour bénéficier de bénéfices supérieurs aux intérêts qu’ils ont à payer. Les épargnants, quant à eux, veulent être dédommagés pour la jouissance différée de leur argent. Un arrangement semblable doit être trouvé pour les salaires versés en rémunération du travail effectué. Sur un marché du travail concurrentiel, le niveau de salaire s’établit de manière à égaler productivité marginale du travail et taux marginal de substitution entre consommation et loisir, c’est-à-dire ce qu’il faut offrir au salarié pour qu’il renonce à une partie de son temps libre.

Implicitement, plus qu’ouvertement, la doctrine néoclassique est d’inspiration conservatrice. Ses partisans préféraient nettement la concurrence sur les marchés à l’intervention de l’État et, au moins jusqu’à la crise de 1929, affirmaient que les meilleures politiques publiques étaient celles qui reprenaient les idées d’Adam Smith : fiscalité réduite, dépenses publiques limitées et budgets annuels équilibrés. Les néoclassiques expliquaient les inégalités de revenus et de richesses comme découlant essentiellement de différences de talent, d’intelligence, d’énergie et d’ambition entre les êtres humains, sans remettre en cause la structure sociale.

2.6 L’économie keynésienne

John Maynard Keynes, élève d’Alfred Marshall, professa des opinions néoclassiques jusque dans les années 1930, mais l’éclatement de la crise économique détermina chez lui une évolution théorique majeure. Alors que les économistes continuaient de soutenir, malgré l’accumulation de preuves contraires, que le temps et la nature restaureraient la prospérité si les pouvoirs publics s’abstenaient d’intervenir dans l’économie, la plupart des pays s’enfonçaient dans la récession et voyaient leur productivité chuter, tandis que les taux de chômage ne cessaient de croître.

Avec Keynes, la science économique connaît un renouveau théorique particulièrement important qui a inspiré directement les politiques économiques menées, après-guerre, par l’ensemble des pays industrialisés. La « révolution keynésienne » se situe à plusieurs niveaux : elle consiste tout d’abord en une réfutation des mécanismes classiques de l’équilibre économique, analyse en vertu de laquelle il expose une nouvelle théorie qui doit conduire à la conduite de politiques économiques (notamment budgétaire et monétaire) nouvelles. Les classiques ont mis en évidence un mécanisme d’équilibre économique reposant sur les prix, qui constituent le facteur susceptible de réguler un marché en déséquilibre et ceci quelle que soit la nature du marché concerné. Ainsi, par exemple, en cas de chômage créant un déséquilibre sur le marché du travail, une baisse des rémunérations suffit à permettre le retour à l’équilibre : le travail devenant moins cher, les employeurs sont incités à embaucher davantage ce qui résorbe le chômage.

À cette explication « physique » du fonctionnement des marchés, Keynes oppose une argumentation qui ne repose non sur les prix mais sur les quantités reposant sur les anticipations des entrepreneurs. Ce n’est donc plus l’offre qui crée la demande, mais la demande future qui suscite la production. La problématique keynésienne consiste alors à déterminer les conditions dans lesquelles l’équilibre entre cette demande qui est anticipée et la demande réelle sont susceptibles de s’équilibrer. C’est à ce stade de l’analyse keynésienne que la régulation par les quantités se substitue à l’analyse par les prix. Le comportement des consommateurs est dicté par « loi psychologique fondamentale » qui détermine leurs décisions en fonction de la fraction de leurs revenus qu’ils entendent dépenser, ce que Keynes appelle la propension à consommer. Selon l’évolution du niveau des revenus, cette part, qui constitue la demande effective adressée aux entrepreneurs, peut être plus ou moins importante selon l’intérêt qu’il y a à consommer ou à épargner, l’épargne constituant la seconde destination du revenu.

Dès lors en cas de déséquilibre, c’est sur le montant de ce revenu qu’il faut agir, d’où l’argumentation qu’il développe en faveur de l’intervention des pouvoirs publics dans le circuit économique afin d’injecter un supplément de revenus, qui lui même engendre un supplément de consommation qui augmente les débouchés des entreprises, ce qui nourrit une politique d’investissements futurs plus importante. On mesure ainsi l’apport fondateur de Keynes au développement de la science économique : au-delà d’un simple changement de méthode dans la manière d’appréhender les faits économiques, ses théories sont à la base d’un revirement radical dans la conduite des politiques économiques et sociales.

2.7 La nouvelle économie classique

La nouvelle économie classique s’est développée dans les années 1970 avec Lucas, Wallace et Sargent. Selon cette école, toute intervention publique est vouée à l’échec car les agents économiques sont capables d’anticiper les conséquences des politiques économiques et leur réaction annule l’effet de celles-ci.

2.8 L’économie mathématique

La théorie néoclassique des prix comme celle du revenu de Keynes a été démontrée à l’aide des techniques du calcul, de l’algèbre linéaire et d’autres techniques sophistiquées, parmi lesquelles l’économétrie. Celle-ci a pour but, en utilisant les lois statistiques, d’estimer certaines variables et de simuler les conséquences des variations de certaines d’entre elles sur les autres. Comme outils de prévision, les modèles économétriques sont généralement utilisés à la fois par les entreprises et les services publics, même si leur fiabilité ne peut pas être garantie absolument.

La recherche opérationnelle et la comptabilité nationale sont deux autres disciplines qui recourent à l’analyse économique et à la modélisation mathématique. La recherche opérationnelle propose une analyse fonctionnelle de problèmes économiques concrets, comme ceux qui ont trait à la coordination des fonctions d’une société à usines multiples, à la fabrication des différents produits ou à l’utilisation des installations, de façon à minimiser les coûts et à maximiser le rendement.

Essentielle pour pouvoir mener une analyse sur les différents secteurs d’activité de l’économie, le tableau entrées-sorties, inventé par l’économiste américain d’origine russe Wassily Leontief, « décrit le flux de biens et de services entre tous les secteurs d’une économie nationale sur une période donnée ». Ce tableau est notamment utilisé dans le cadre de la comptabilité nationale française.

 

3 SYSTÈMES ÉCONOMIQUES


Toutes les communautés organisées combinent, dans des proportions différentes, des activités qui sont le fait du marché et des interventions de l’État. Il existe cependant différents modèles d’économie de marché, qui peuvent aller de situations monopolistiques déguisées à des situations de concurrence totale, sans aucune intervention régulatrice des pouvoirs publics. En dehors des cas où l’État possède et gère complètement certains secteurs, comme dans les pays socialistes, ou assure la gestion de certaines entreprises publiques, dans le cadre de l’économie mixte, les pouvoirs publics exercent malgré tout une influence considérable sur l’activité économique.

Même les sociétés fonctionnant sur le principe de la centralisation ont eu recours à l’entreprise privée. En Union soviétique, par exemple, l’État autorisait les fermiers, bien qu’ils soient organisés en entreprises collectives, à vendre des produits cultivés sur leurs propres lopins. Pendant la période communiste en Pologne, la plupart des exploitations agricoles appartenaient à des propriétaires particuliers.

Une même diversité s’observe au sein des économies capitalistes. Dans la plupart de ces dernières, l’État possède et exploite des secteurs considérés comme sensibles ou non productifs mais essentiels au confort des individus ou à la préservation de l’indépendance nationale. Ainsi, aux États-Unis, champions du système de la libre entreprise, l’État est venu en aide aux sociétés en difficulté telles que Lockheed et Chrysler.

3.1 La libre entreprise

Les principales différences entre les économies communistes et les économies capitalistes tiennent au régime de la propriété des moyens de production, au mode de fixation des prix et aux circuits de répartition des revenus. Dans la plupart des économies capitalistes, la majorité du produit national brut (PNB) est directement produite par des entreprises commerciales à but lucratif, par le secteur agricole et par celui des services.

Au cours des années 1980, qui furent caractérisées par la montée en puissance de l’idéologie libérale, de nombreux pays, comme la Grande-Bretagne et la France, procédèrent à des privatisations d’entreprises auparavant détenues par l’État, en introduisant un degré de concurrence plus ou moins important dans des services d’utilité publique tels que la santé et l’éducation. Cette vague de privatisations a réduit dans des proportions importantes la capacité d’intervention de l’État dans la gestion du secteur productif et l’influence qu’il pouvait exercer sur la fixation des prix. Cependant, les pouvoirs publics restent chargés de la gestion du prix de l’argent, c’est-à-dire du taux d’intérêt, et conservent de ce fait une influence déterminante sur la sphère réelle de l’économie.

Même s’il existe, au sein des pays à économie de marché, une réticence certaine vis-à-vis de l’intervention de l’État dans la vie économique, celle-ci est pourtant apparue nécessaire à partir de la crise économique de 1929, qui détermina une mutation du rôle de la puissance publique. Autrefois considérée comme simple régulateur, chargée d’assurer le cadre de l’activité économique, en produisant une législation et des infrastructures appropriées, celle-ci fut amenée à prendre directement en charge certaines activités de production et à mettre en œuvre une certaine planification des activités économiques, tandis que le développement des services publics s’opérait dans le cadre d’une idéologie de la solidarité.

Depuis les années 1970, cependant, les pays d’économie de marché ont remis en question l’intervention de l’État, considérée comme une source de mauvaise allocation des ressources, et ont réhabilité l’initiative individuelle, privilégiant le thème de la dérégulation et celui du désengagement de la puissance publique.

3.2 La planification centralisée

La planification centralisée de l’économie, appliquée en Chine et dans certains autres pays communistes, s’est toujours combinée avec l’existence d’un secteur privé, notamment dans le domaine agricole et dans le secteur du commerce de détail. Aujourd’hui, ces économies tendent à intégrer au sein de leurs économies une part de plus en plus importante d’économie de marché.

3.3 Les économies sociales libérales

À mi-chemin entre les économies planifiées et les économies capitalistes se trouvent celles qui se reconnaissent dans le modèle social-démocrate. Ainsi, la Suède, longtemps considérée comme un modèle du genre, a, tout en faisant du secteur privé le cadre de l’activité économique, réglementé l’activité économique en intervenant de manière active pour protéger l’emploi et en redistribuant une part importante du revenu national par le biais des transferts sociaux. Ce système, longtemps performant, a cependant donné des signes d’essoufflement dès les années 1980, et les pouvoirs publics ont dû diminuer le poids des dépenses sociales dans le budget national.

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