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René Girard

René Girard

1 PRÉSENTATION

Girard (1923- ), philosophe français.

2 UNE CARRIÈRE UNIVERSITAIRE AUX ÉTATS-UNIS

Né en Avignon (Vaucluse), René Girard entre à l’École des chartes en 1943. Après la Seconde Guerre mondiale, il s’installe aux États-Unis, où il soutient une thèse d’histoire à l’université d’Indiana. Puis il enseigne dans plusieurs universités (Buffalo, John Hopkins, Stanford).
En 2005, il est élu à l’Académie française (Institut de France).

3 UNE ŒUVRE AMBITIEUSE ET CONTESTÉE

L’œuvre de René Girard se caractérise par une vaste ambition à laquelle ont renoncé la plupart des auteurs contemporains : celle de repenser l’ensemble des comportements individuels et sociaux à la lumière de l’apport des différentes sciences humaines : anthropologie, psychologie, sociologie et critique littéraire. La pensée de René Girard, si elle fait l’objet d’un véritable engouement de la part du grand public, en particulier aux États-Unis, a aussi suscité de nombreuses réserves de la part des spécialistes. Ses critiques souvent audacieuses à l’endroit de la psychanalyse et du structuralisme, son insistance sur le fait que les mythes renvoient à un événement « réel », sa façon de mobiliser les disciplines les plus diverses au service de son hypothèse et son souci de souligner une spécificité radicale du judéo-christianisme par rapport à toutes les autres religions ont en effet provoqué l’irritation des psychologues, des anthropologues et des historiens des religions.

3.1 L’hypothèse du désir mimétique

Mensonge romantique et Vérité romanesque (1961), le premier livre de René Girard, qui le fait connaître du grand public, se présente apparemment comme une œuvre de critique littéraire analysant les principaux romans de la littérature européenne, de Cervantès à Dostoïevski et Proust. Mais l’ambition va déjà bien au-delà : l’auteur y formule sa célèbre hypothèse du « désir mimétique » : l’homme ne sait pas spontanément quoi désirer, et ne désire en fait que par imitation du désir de l’autre. L’homme n’est donc pas seul face à l’objet de son désir, mais il a besoin d’un autre, d’un médiateur par l’intermédiaire duquel seulement il parvient à se rapporter à cet objet. René Girard met cette hypothèse à l’épreuve des romans qu’il étudie et s’en sert comme clé interprétative : il tente de repérer dans l’évolution du roman une évolution du désir mimétique lui-même, passant de la médiation externe (le médiateur est lointain pour le sujet désirant et est un modèle admiré) à la médiation interne (le médiateur est un proche et devient un rival et un obstacle à la possession par le sujet de l’objet désiré).

3.2 Crise mimétique et bouc émissaire

Dans ses ouvrages suivants, la Violence et le Sacré (1972) et Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), René Girard continue d’explorer la fécondité de son hypothèse en l’appliquant aux champs de l’anthropologie et de l’ethnologie. Il tente de montrer que le mimétisme exacerbe les rivalités qui produisent des situations de violence à l’intérieur des groupes humains, ce qu’il appelle la « crise mimétique ». Cette crise se résout elle-même de manière violente, par l’exclusion hors du groupe (voire par la mise à mort) d’un homme ou d’un groupe d’hommes désigné comme responsable de la violence : c’est le phénomène du « bouc émissaire ». L’expulsion violente ramenant le calme et la différenciation dans la société, le bouc émissaire est perçu après coup comme la source de ce retour au calme ; il est « sacralisé ». Le sacré d’une société est la part d’elle-même qu’elle a dû sacrifier pour se maintenir comme société et expulser la violence hors de son sein.

3.3 L’interprétation des mythes

Le Bouc émissaire (1982) développe encore cette hypothèse en l’appliquant à l’interprétation des mythes. René Girard voit dans les mythes essentiellement le récit de cette crise mimétique et de sa résolution. Mais il est alors amené à distinguer nettement deux types de récit : le mythe proprement dit, qui présente les événements dans la perspective de leur résolution violente, qui affirme la culpabilité réelle de ceux qui vont subir l’expulsion violente ; et le récit évangélique, le texte judéo-chrétien, qui serait plutôt un texte de démystification, réaffirmant à travers tout le récit l’innocence absolue de celui qui a été considéré comme responsable de la violence puis du retour au calme.

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