Maxime Rodinson
1 PRÉSENTATION
Rodinson (1915-2004), sociologue et orientaliste français, spécialisé dans l’étude du monde arabe et musulman, engagé dans la cause palestinienne.
2 L’AUTODIDACTE SAVANT
Né à Paris, Maxime Rodinson est issu d’une famille d’émigrants d’Europe orientale, aux origines modestes et influencée par les idées communistes — tous les deux juifs, ses parents mourront à Auschwitz. Contraint d’abandonner ses études à l’issue de l’école primaire, Maxime Rodinson parvient cependant à entrer, à l’âge de dix-sept ans, à l’École des langues orientales et devient un éminent linguiste et orientaliste. Pratiquant une trentaine de langues et dialectes, il entre à l’École pratique des hautes études sur la proposition de Marcel Mauss, et y enseigne le guèze (éthiopien ancien).
3 L’UN DES GRANDS SPÉCIALISTES DU MONDE MUSULMAN
Après une dizaine d’années passées sur le terrain à parfaire ses connaissances sur le monde arabo-musulman, dont il devient l’un des plus grands spécialistes, Maxime Rodinson s’oriente vers un type de pensée se réclamant de Max Weber et de l’analyse sociologique. Attaché à la théorie marxiste, il développe une approche de type rationaliste pour proposer une lecture de l’évolution de l’islam en termes économiques et sociaux.
Plusieurs ouvrages jalonnent cette recherche. Dans l’un des plus connus et reconnus, Mahomet (1961), il offre une lecture marxiste documentée de la vie du prophète. Son livre fondateur, Islam et capitalisme (1966) — dont le titre évoque l’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme de Max Weber — traite de la relation entre religion et vie économique dans le monde musulman. Dans la Fascination de l’Islam (1980), il étudie l’évolution du regard occidental chrétien sur le monde musulman, du Moyen Âge au xxe siècle. Dans son livre l’Islam, politique et croyance (1993), il classe les religions dans la catégorie des « mouvements idéologiques » et, dans un contexte historique marqué par le réveil de l’intégrisme musulman, il affirme la nécessité pour l’islam de s’adapter au monde moderne par un « aggiornamento ».
4 LA DÉFENSE DE LA CAUSE PALESTINIENNE
Entré au Parti communiste français en 1937, Maxime Rodinson en est exclu en 1958. Il ne demandera jamais sa réintégration, refusant d’être « mené par la logique de lutte ». Les intellectuels, selon Maxime Rodinson, n’ont pas pour vocation, comme l’affirmait Jean-Paul Sartre, d’adhérer à un courant de pensée puis de s’engager dans une action politique, mais doivent mettre en lumière les limites de chaque engagement et inciter par la réflexion à la reprise du dialogue.
Fondateur du Groupe de recherches et d’actions pour la Palestine, il soutient dès 1967, en pleine guerre des Six-Jours, la cause palestinienne. À la suite d’un article retentissant paru en juin 1967, Israël, fait colonial ?, il consacre deux ouvrages au conflit israélo-arabe : Israël et le Refus arabe (1968) et Peuple juif ou Problème juif ? (1981). Soucieux de respecter à la fois les vérités historiques et toutes les communautés, il y critique le sionisme avec véhémence — en le qualifiant de « virus dans le corps juif », il se fait de nombreux ennemis en Israël — sans pour autant remettre en cause l’existence de l’État d’Israël. Il prône une solution pacifique fondée sur la coexistence en Palestine de deux entités, israélienne et palestinienne.
Pour le chercheur Gérard Khoury, avec lequel il publie en 1998 des entretiens sous le titre Entre Islam et Occident, Maxime Rodinson se situe « au carrefour des valeurs juives et de celles du monde arabe et musulman, dans un rapport d’entente et non d’exclusion ».