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Ralph Waldo Emerson

Ralph Waldo Emerson

1  PRÉSENTATION 

Emerson (1803-1882), philosophe, essayiste et poète américain.

Fondateur du transcendantalisme américain, Ralph Waldo Emerson privilégie la nature comme véhicule idéal de l’épanouissement humain. Anti-conformiste et progressiste, il insiste parallèlement sur la nécessité d’une indépendance créatrice et intellectuelle de l’Amérique.

2  UNE FOI EN RUPTURE AVEC L’ÉGLISE UNITARIENNE 

Né à Boston (Massachusetts), Ralph Waldo Emerson étudie au Harvard College puis entre à la Harvard Divinity School pour devenir, en 1829, comme son père avant lui, pasteur de la seconde Église unitarienne de Boston. En 1832, il renonce à sa charge pour cause de divergences dogmatiques. Influencé par le romantisme anglais de Samuel Taylor Coleridge et de Thomas Carlyle, il prône une foi panthéiste, spontanée et intuitive qui s’accommode mal de l’Église et de ses institutions. Dieu lui apparaît dans toute chose, et en particulier dans la nature. L’homme lui-même possède une « sur-âme » qui rend possible l’union mystique avec Dieu. Ralph Waldo Emerson, qui veut voir « Dieu face à face », ne peut donc s’épanouir au sein de l’Église réformée, qui agit « comme si Dieu était mort ».

3  LA DIFFUSION DES IDÉES TRANSCENDANTALISTES 
3.1  Une œuvre clé : Nature 

Après un voyage en Angleterre, où il rencontre Thomas Carlyle (avec lequel il correspond pendant plusieurs dizaines d’années), Ralph Waldo Emerson revient aux États-Unis en 1833 et se consacre à la diffusion de ses idées. Son premier essai, Nature (1836), rédigé dans un style métaphorique et émaillé d’aphorismes qui caractérisent toute son œuvre, contient l’essence de sa philosophie : l’homme, à travers la perception et l’imagination, peut s’accomplir par l’observation de la nature, qui lui enseigne la beauté et la raison. Nature, influencé à la fois par le néo-platonisme (voir Platon) et le mysticisme oriental, constitue l’acte fondateur du mouvement transcendantaliste américain, qui s’organise à partir de 1836.

L’année suivante, Ralph Waldo Emerson commence à Boston le cycle de conférences qui le rendent célèbre. Dans le Penseur américain (The American Scholar, 1837, plus tard intégré à Nature), il exhorte les intellectuels américains à s’affranchir de l’héritage européen et à trouver une nouvelle voie. Ce discours est qualifié de « déclaration d’indépendance intellectuelle américaine » par les commentateurs de l’époque. En 1838, dans un autre discours prononcé à l’université Harvard (Divinity School Address), il réaffirme sa croyance en une relation intuitive avec Dieu. Cette prise de position, opposée aux conceptions calvinistes, lui vaut des critiques véhémentes.

Ralph Waldo Emerson continue d’affirmer ses croyances dans deux volumes successifs regroupant ses Essais (1841 et 1844). On y trouve ses textes les plus célèbres : Confiance et autonomie (Self-Reliance, 1841), Compensation et l’Âme suprême (The Over-Soul, 1841). Il écrit ensuite pour The Dial, la revue du Transcendental Club de Nouvelle-Angleterre fondée en 1840, dont il devient le rédacteur en chef en 1842.

3.2  La réforme de l’individu et de la société 

Penseur progressiste et intègre, Ralph Waldo Emerson milite pour la spécificité culturelle des États-Unis : le transcendantalisme est pour lui un moyen de faire prendre conscience aux Américains qu’ils peuvent refuser le conformisme et construire un monde nouveau, à condition de suivre leur intuition et leur créativité spontanée. Ces réalisations passent avant tout par le perfectionnement individuel : « Tous les hommes se targuent d’améliorer la société, mais aucun homme ne s’améliore. »

La réforme individuelle aboutit nécessairement à la réforme de la société, ce qui amène les transcendantalistes à prendre position sur de nombreux sujets (défense des Indiens, droit de vote des femmes et réforme du système éducatif). De son côté, Ralph Waldo Emerson milite pour la cause abolitionniste en prononçant plusieurs discours contre la loi sur les esclaves fugitifs, puis en rendant hommage aux actions de l’abolitionniste John Brown.

3.3  Un transcendantalisme nuancé 

À partir du milieu des années 1840, sous l’influence de plusieurs drames personnels (notamment la mort de son fils, en 1842), la philosophie de Ralph Waldo Emerson évolue. Sa croyance en la liberté absolue de l’homme se teinte de pragmatisme : l’homme est aussi soumis aux forces du destin et de la nécessité. L’ordre naturel lui apparaît alors non plus seulement comme un guide, mais comme une force inévitable, créatrice de déséquilibres. L’homme lui semble néanmoins capable de se transcender pour accéder à ce mélange de sagesse et de scepticisme, à l’image de certains grands hommes comme Montaigne, auquel Ralph Waldo Emerson consacre un chapitre de Représentants de l’humanité (Representative Men, 1850).

Dans ses dernières œuvres, Ralph Waldo Emerson en vient à accepter certaines inégalités entre individus. La richesse, par exemple, lui apparaît comme un aboutissement naturel de l’activité humaine ; cette idée est exprimée dans Wealth, un essai publié dans la Conduite de la vie (The Conduct of Life, 1860). Cependant, les déséquilibres n’empêchent pas l’harmonie ; l’homme peut aussi trouver à s’épanouir dans une expérience collective, telle que l’appartenance à la nation ou la participation à l’effort industriel.

4  UNE FIGURE DOMINANTE DE SON ÉPOQUE 

À la mort de Ralph Waldo Emerson, ses compatriotes le considèrent comme l’un des grands philosophes américains. Également auteur d’un récit de voyage, les Traits du caractère anglais (English Traits, 1856), il a publié plusieurs recueils de poésie, dont Parnassus (1874), sélection de ses poèmes favoris. Son œuvre, admirée par Friedrich Nietzsche, a inspiré de nombreux auteurs américains, tels que Henry David Thoreau, Walt Whitman, Emily Dickinson et Robert Frost.

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