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Alexandre Kojève

Alexandre Kojève

1 PRÉSENTATION

Kojève (1902-1968), philosophe français dont le nom reste principalement attaché à l'interprétation qu’il a donnée de la pensée de Hegel, plus précisément de la Phénoménologie de l'esprit.

2 UNE LECTURE DE L’ŒUVRE HÉGÉLIENNE

Né à Moscou, Alexandre Kojevnikov, dit Alexandre Kojève, s'exile en 1919 pour l'Allemagne, puis la France. Tout au long du cours qu'il dispense à l'École des Hautes Études de 1933 à 1939, et qui constitue une véritable initiation à Hegel pour des intellectuels français aussi divers que Lacan, Bataille, Queneau (qui édite le cours à partir de ses notes, sous le titre Introduction à la lecture de Hegel), Aron ou Merleau-Ponty, Kojève met en lumière la profondeur de certaines « figures » hégéliennes, notamment la fameuse « dialectique du maître et de l'esclave » et la question (récemment reprise par Fukuyama dans le contexte de l'effondrement du communisme) de la « fin de l'Histoire » (Voir aussi histoire de l'histoire).

3 LE PRINCIPE DE RECONNAISSANCE

3.1 « Maîtres » et « esclaves »

Dans le cadre d'une interprétation « athée » de Hegel largement inspirée par Marx, Kojève fait du désir — proprement humain — de reconnaissance — et de la lutte entre les consciences menée dans ce but — le moteur de l'Histoire. Pour faire reconnaître sa « valeur infinie » par autrui, pour se faire reconnaître comme liberté, il faut parvenir à dépasser son statut de créature seulement « naturelle » et dépendante : l'épreuve décisive est à cet égard la capacité à affronter le risque de la mort. Celui qui préfère devenir esclave plutôt que de sacrifier sa vie reconnaît par là-même le droit de celui qui « préfère sa liberté à sa vie » de le dominer : la lutte débouche ainsi sur la division entre les « maîtres » et les « esclaves ». Toutefois la situation ainsi créée reste précaire et dynamique : le maître peut certes se décharger sur ses esclaves de tout travail, de toute tâche de transformation de la Nature ; mais outre la transformation du donné naturel, le travail permet aussi la « formation » et la transformation du travailleur lui-même. Le travail est par conséquent (parallèlement à la lutte, et de façon croissante dans l'Histoire) non seulement la source d'une reconnaissance possible de la valeur de la conscience (qui se manifeste à travers ce qu'elle fait), mais également la voie vers l'émancipation des « esclaves ».

3.2 La fin de l’Histoire ?

L'état — « démocratique » – de reconnaissance réciproque des consciences marquerait la fin de l'Histoire : celle-ci est-elle cependant advenue avec l'État moderne napoléonien et la reconnaissance de l'égalité des droits (comme a pu le penser Hegel) ou bien n'adviendra-t-elle qu'avec « l'État mondial » et socialement homogène ? Kojève privilégie la seconde hypothèse. Une investigation des conséquences et des dangers de l'idée de fin de l'Histoire (simultanément fin de la philosophie ?) oppose Kojève au philosophe et historien allemand Leo Strauss dans l’ouvrage de ce dernier intitulé De la tyrannie.
Œuvres principales : Introduction à la lecture de Hegel (Gallimard éd., 1947 ; rééd. 1973) ; Esquisse d'une phénoménologie du droit (Gallimard éd., 1981) ; le Concept, le Temps, le Discours (Gallimard éd., 1990).

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