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Ecole de Francfort

Ecole de Francfort

1 PRÉSENTATION

Ecole de Francfort, courant de pensée qui doit son nom à l’Institut de recherche sociale de l’université de Francfort où ont enseigné Max Horkheimer, Theodor Adorno et Jürgen Habermas.
Au nombre de ses membres, l’École comptera notamment H. Marcuse, W. Benjamin, L. Löwenthal, E. Fromm et G. Scholem.

2 NAISSANCE DE LA « THÉORIE CRITIQUE »

Lorsque Horkheimer prend la direction de l’Institut en 1930, il entend associer philosophie et recherche empirique. L’Institut réalise ainsi et publie deux grandes enquêtes (une étude sur l’autorité et la famille, en 1936, et sur l’antisémitisme et les potentialités fascistes aux États-Unis, en 1949-1950). Horkheimer expose le programme philosophique et politique de l’école (qui possède par ailleurs son propre journal, Zeitschrift für Sozialforschung) dans son ouvrage Théorie traditionnelle et théorie critique (1937), où il s’attache à tracer les grandes lignes de la « théorie critique » qui vient commenter les systèmes de pensée en vigueur avant la Seconde Guerre mondiale. Parmi ceux-ci, le marxisme, dont Horkheimer soutient la nécessité d’une critique, la philosophie idéaliste et le positivisme du cercle de Vienne et de l’empirisme anglo-saxon.

3 MARXISME ET PESSIMISME

L’École critique radicalement la société capitaliste et son principe de domination. Contrairement à Marx, ses membres perçoivent dans la technologie et dans la domination de la nature par l’Homme un principe indissociable, historiquement, de la domination de l’Homme par l’Homme. Pessimistes face au pouvoir du système capitaliste, ils ne jugent pourtant pas la révolution prolétarienne, libératrice de l’humanité, comme inévitable.
En 1930, Theodor Adorno devient membre de l’Institut. Il radicalise la théorie critique ; dénonçant l’optimisme de la dialectique et du matérialisme, il en entreprend la déconstruction.
En 1933, l’Institut (interdit par le régime nazi) cesse ses activités, et plusieurs de ses membres s’exilent. Il est reconstitué à New York, à la New School for Social Research.
Plusieurs ouvrages paraissent à cette époque : Raison et Révolution (1941) de Marcuse, une interprétation hégélienne de Karl Marx ; la Dialectique de la raison (1947) d’Horkheimer et Adorno ; Minima Moralia (1951) d’Adorno.
Avec le retour des États-Unis d’Horkheimer et d’Adorno, l’Institut reprend ses activités à Francfort au début des années cinquante. Marcuse, comme d’autres, choisit de rester aux États-Unis.

4 THÉORIE ET PRATIQUE

Dans ses grandes lignes, le travail de l’École consiste à identifier les maux de la société moderne et à montrer que seule une transformation radicale de la théorie et de la pratique est en mesure d’y remédier. Si la pensée théorique est relativement indépendante des forces socio-économiques, elle n’y est pas moins ancrée. La théorie critique se donne ainsi pour objectif d’identifier l’origine des théories et des concepts dans les processus sociaux. Elle se refuse à accepter simplement les concepts, comme l’empirisme et le positivisme, une telle démarche revenant en effet à accepter implicitement les processus et les conditions mêmes dont il convient de s’émanciper. Parallèlement, par l’intermédiaire de Fromm et de Marcuse, elle développe l’idée d’une anthropologie fondée à la fois sur Freud et Marx, et intègre la psychanalyse en ce qu’elle présente selon eux une analyse critique de la civilisation.
Dans l’optique de l’École, les sciences ne sont pas exemptes de valeurs. Elles impliquent des hypothèses dont l’apparente évidence dissimule le statut de valeur. Ces jugements de valeur, comme le caractère souhaitable de la domination de la nature par la technologie, doivent être démasqués et soumis à la critique.
A partir des années soixante, le plus éminent représentant de l’École aura été Jürgen Habermas. Dans Théorie et Pratique (1963) et Connaissance et Intérêt (1968), Habermas reprend à son compte la thèse d’Horkheimer et Adorno selon laquelle les sciences impliquent des présupposés et des intérêts idéologiques, et il dénonce le rationalisme des Lumières comme un moyen d’oppression. Habermas exerce une influence notoire sur les mouvements contestataires dans les pays occidentaux. Dans sa Théorie de l’agir communicationnel (1981), il défend un idéal de communication impliquant tous les sujets rationnels et entièrement dénué de domination et d’intérêts.

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