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György Lukács

György Lukács

1 PRÉSENTATION

Lukács (1885-1971), philosophe, théoricien de la littérature et homme politique hongrois, représentant majeur de la critique marxiste.

2 ÉLABORATION D’UNE ESTHÉTIQUE MARXISTE

Né à Budapest, dans la haute bourgeoisie juive assimilée, György Lukács enfant mène une stratégie de « guérilla » contre sa mère, archétype de la tactique de « partisan » qu’il assignera au poète et au philosophe dans l’armée régulière d’un parti communiste. Amateur passionné de tous les arts, il étudie la philosophie à Budapest puis à Berlin avec le sociologue Georg Simmel. Devenu rédacteur à la revue moderniste Nyugat (« Occident »), qui rassemble les auteurs hongrois les plus importants de la première moitié du siècle, il obtient un prix littéraire (1908) avec son Histoire du développement du drame moderne, et, en 1909, un doctorat en esthétique. Une amitié profonde et douloureuse, répétant celle de Kierkegaard et de sa fiancée Régine Olsen, le lie au peintre Irma Seidler, qui se suicidera en 1911. L’Âme et les Formes (1911) montre cette thématique existentielle romantique, encore présente dans la Théorie du roman (1920), ouvrage essentiel qui pose les bases de l’analyse structurale de la création littéraire.
De 1912 à la fin de 1917, à Heidelberg, Lukács est membre du « cercle Max Weber », lit Dostoïevski, Hegel et Marx. Un étrange mariage « expérimental » avec une jeune révolutionnaire russe signifie son refus de « l’esprit de protocole » familial, rappel des Affinités électives de Goethe et fidélité au mot d’ordre de son poète préféré Endre Ady (1877-1919) : le « veto » absolu. Anticapitaliste par « idéalisme subjectif » (Fichte), il vit le présent, dans le désespoir, comme « l’époque de la culpabilité absolue », et rêve de « l’homme générique ».

3 HISTOIRE ET CONSCIENCE DE CLASSE

La révolution russe d’Octobre 1917 marque une rupture dans l’histoire de Lukács. L’heureuse rencontre avec Gertrud Janossy, l’adhésion au Parti communiste hongrois, sa participation au renversement du gouvernement de Károlyi en 1919 produisent sa relecture de Hegel, Feuerbach et Marx : optimisme et utopie messianique marquent ainsi Histoire et Conscience de classe (1923), livre clé de la pensée marxiste de la première moitié du siècle. Contre le positivisme scientiste dominant, Lukács restitue la dimension épique et morale de la guerre des classes, mais l’échec du gouvernement révolutionnaire de Béla Kun et le repli général de l’offensive ouvrière lui valent de vives critiques de Lénine lui-même et le contraignent à l’exil.

4 L’EXIL ET LE RETOUR

Soldat ou dirigeant, Lukács obéit désormais aux ordres de mutation : travail clandestin entre Vienne et la Hongrie, à Berlin de 1931 à 1933 puis à Moscou jusqu’en 1944. Dès 1927, interdisant la réédition de ses œuvres de jeunesse, il s’incline devant l’évident pouvoir de Staline, menant de front la lutte antifasciste et sa propre guerre de partisan, maniant Engels contre Jdanov. La Destruction de la raison (1954) substitue l’opposition rationalisme étroit/irrationalisme à l’opposition rituelle matérialisme/idéalisme du marxisme officiel. Le Roman historique (1955) et la Signification présente du réalisme critique (1958) élaborent l’idée de « grand réalisme » contre la réduction de l’art à l’idéologie.
En 1944, Lukács retrouve Budapest, se laissant utiliser puis rejeter par le Parti, laissé « sans carte » de 1956 à 1967 (il est membre du Parlement de 1949 à 1956 et ministre du gouvernement réformiste lors de l’insurrection hongroise de 1956). Existentialisme ou Marxisme ? (1955) restituait le choix fait dans sa jeunesse de cet « Himalaya » qu’est le marxisme. Vers une ontologie (1971) est son ultime projet.
Outre les ouvrages déjà cités, on retiendra aussi, parmi les ouvrages de Lukács, son Balzac et le réalisme français (1951), série d’articles écrits en 1934-1935 et proposant une relecture marxiste de Balzac, le recueil de notes autobiographiques Pensées vécues, Mémoires parlés (1971) et Philosophie de l’art 1912-1914 (posthume), qui éclaire le rôle central de Lukács dans le renouveau de la pensée esthétique au XXe siècle.

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