Accéder au contenu principal

Jean-Toussaint Desanti

Jean-Toussaint Desanti

1 PRÉSENTATION

Desanti (1914-2002), philosophe et écrivain français.
Philosophe engagé, Jean-Toussaint Desanti laisse une œuvre principalement inspirée par l’épistémologie et la philosophie des mathématiques et marquée par un art de philosopher empreint de malice et de générosité intellectuelles.

2 UNE JEUNESSE INSULAIRE

Né à Ajaccio (Corse-du-Sud), Jean-Toussaint Desanti passe son enfance dans une atmosphère studieuse. Lycéen dans sa ville natale, féru de grec, passionné par l'Iliade qu'il récite de mémoire, il découvre la philosophie en lisant Henri Bergson. Il quitte son île pour la première fois à 18 ans afin de préparer l’agrégation à Paris. « Le fait est qu'à l'âge de 16 ans j'ignorais jusqu'au nom de Freud. Je n'avais jamais entendu parler de Nietzsche », écrit-il dans Un destin philosophique (1982), première œuvre autobiographique conçue à l'adresse d'un ami de jeunesse, lui aussi philosophe, Maurice Clavel.
Dès le départ, la démarche de Jean-Toussaint Desanti s'apparente à une mise entre parenthèses de toute doxa (ou « sens commun ») préétablie, « oubli » propice, selon lui, à l’éclosion de la pensée. « De ce silence tant souhaité, écrit Desanti, semblait naître l'exigence d'une parole que j'aurais à dire, sans l'avoir jamais entendue ».

3 DÉCOUVERTE DE LA PHILOSOPHIE ET ENGAGEMENT POLITIQUE

A l'École normale supérieure de la rue d’Ulm (où il entre en 1936), Jean-Toussaint Desanti a pour maîtres Maurice Merleau-Ponty et Jean Cavaillès, deux hommes dont les œuvres vont influer sur la sienne, à travers la découverte de la phénoménologie et de l’épistémologie des mathématiques.
Sous l’Occupation, en juillet 1942, Jean-Toussaint Desanti, bouleversé par une rafle d'enfants juifs place du Panthéon à Paris, se décide à prendre le « parti de l'éthique », entendu comme une forme d'engagement distinct d'une morale de convention. Après avoir collaboré au groupe de son ami Jean-Paul Sartre, Socialisme et Liberté, il aide des réseaux armés de la Résistance.
C'est à cette époque qu'il rencontre sa future épouse, Dominique, écrivain avec qui il vit une longue aventure, tant amoureuse qu’intellectuelle, qu’ils retracent à deux voix dans La liberté nous aime encore, conversations-entretiens réalisées en 2001 par Roger-Pol Droit. En 1943, le couple adhère au Parti communiste que le philosophe ne quitte qu'en 1958, après avoir assumé les pires aspects du stalinisme, allant même jusqu'à justifier (dans la Nouvelle Critique dont il est membre du comité de rédaction) la notion de « science prolétarienne ». Errements que Jean-Toussaint Desanti désavoue par la suite, sans pour autant cesser de prendre parti, notamment en faveur de l'Algérie indépendante.

4 UNE PENSÉE PHILOSOPHIQUE EN MOUVEMENT, SANS SYSTÈME

4.1 La notion d’« éclatement »

Avec les Idéalités mathématiques, ouvrage paru en 1968 qui reprend pour l’essentiel sa thèse d’épistémologie mathématique, Jean-Toussaint Desanti interroge de l'intérieur le statut des mathématiques qui ne « sont ni du Ciel ni de la Terre ». Voyage à travers la pensée, qui ne peut s’appuyer sur aucun « point fixe », d’Aristote aux théories des ensembles, où l’auteur conçoit la mathématique non comme une matière hermétique à l’identité déterminée, mais comme une création permanente.

4.2 Partage et dialogue

Enseignant à l’École normale supérieure de Saint-Cloud de 1960 à 1975, puis à la Sorbonne, « Touki » (comme l'appellent ses proches) a notamment comme auditeurs Louis Althusser et Michel Foucault.
Peu disert, celui qui tient pour une vertu essentielle « l'économie de paroles inutiles » est resté en retrait de la scène médiatique. Ses quelques livres n'en sont que plus précieux, notamment le Philosophe et les pouvoirs (1976), avec Blandine Barret-Kriegel, et une Réflexion sur le Temps (1992), conversations avec Dominique-Antoine Grisoni où il évoque saint Augustin, Plotin mais aussi Edmund Husserl et Martin Heidegger. Dans ces dialogues, le philosophe se refuse à délivrer un message globalisant, tente de rendre explicite l'acte de penser, comparé à une « prise de risque » où le philosophe remet constamment sa « mise » en jeu afin de mieux pouvoir accéder au grand jeu de l'esprit.

Posts les plus consultés de ce blog

Henri Mandras

Henri Mendras 1  PRÉSENTATION  Mendras (1927-2003), sociologue français. 2  UN SPÉCIALISTE DE LA SOCIOLOGIE RURALE  Né à Boulogne-Billancourt, diplômé de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et docteur ès Lettres, Henri Mendras est formé au contact de Georges Gurvitch et de Georges Friedmann. Il entre comme chercheur en sociologie rurale au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) où il devient directeur de recherche en 1954. Après plusieurs ouvrages, dont Études de sociologie rurale (1953), Sociologie de la campagne française (1959) et les Paysans et la modernisation de l’agriculture (1958), la Fin des paysans (1967) le consacre auprès du public comme l’un des grands spécialistes de la paysannerie et des sociétés rurales. Dans ce livre polémique au titre prémonitoire, Henri Mendras analyse le bouleversement social, culturel et économique sans précédent qui affecte le monde rural dans l’après-guerre. Dans Sociétés paysannes (1976), il montre comme...

Norberto Bobbio

 Norberto Bobbio 1  PRÉSENTATION  Bobbio (1909-2004), philosophe italien. 2  UNE BRILLANTE CARRIÈRE UNIVERSITAIRE  Né à Turin, Norberto Bobbio poursuit des études de philosophie et de droit dans sa ville natale, avant d’enseigner la philosophie du droit à Camerino, puis à Sienne et à Padoue ; il obtient la chaire de philosophie politique de la faculté de sciences politiques de Turin en 1973. Si les étapes décisives de sa prestigieuse carrière universitaire se déroulent sous la dictature fasciste de Benito Mussolini, ses ouvrages majeurs sont publiés après la Seconde Guerre mondiale : Politique et Culture (1955), De Hobbes à Marx (1965) ou encore Quel socialisme ? (1977). 3  CONNAISSANCE JURIDIQUE ET ENGAGEMENT POLITIQUE  Norberto Bobbio tente de concilier deux aspects dans sa philosophie : la connaissance et l’engagement. Il souhaite élaborer une pensée dont l’effort déployé pour la compréhension puisse aboutir à une philosophie militante. Cette tentat...

Maine de Biran

 Maine de Biran 1  PRÉSENTATION  Maine de Biran (1766-1824), philosophe français, héritier des Idéologues, qui se trouve à l’origine de la « philosophie réflexive » et fut le promoteur de la notion de « sens intime ». 2  ITINÉRAIRE POLITIQUE ET INTELLECTUEL  Garde du corps de Louis XVI en 1785, Marie François Pierre Gontier de Biran, dit Maine de Biran, se tint à l’écart pendant toute la Révolution. Opposé ensuite à Napoléon, il fut anobli par Louis XVIII, reçut le titre de chevalier et fut nommé conseiller d’État en 1816. Sa rencontre, en 1798, avec Cabanis et Destutt de Tracy (voir Idéologues) fut déterminante. Il écrivit son mémoire Influence de l’habitude sur la faculté de penser, qui fut couronné par l’Institut en 1802 ; puis un mémoire sur la Décomposition de la pensée. À la fin de sa vie, il anima une société philosophique avec, notamment, Victor Cousin. Son œuvre majeure, l’Essai sur les fondements de la psychologie, commencée vers 1812, parut en 1859. S...