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Paul Ricœur

Paul Ricœur

Ricœur (1913-2005), philosophe français.
Philosophe de confession protestante dont la pensée se situe au confluent de la phénoménologie husserlienne et de la philosophie de l'existence, Paul Ricœur a élaboré une herméneutique philosophique qui dialogue avec la phénoménologie de la religion, la linguistique, la psychanalyse et l'exégèse biblique.

Ancien élève du philosophe français Jean Nabert (1881-1960) et du philosophe existentialiste chrétien Gabriel Marcel, traducteur de Husserl, Ricœur a enseigné aux universités de Strasbourg (1950-1955), de la Sorbonne (à partir de 1956), de Nanterre (1966-1978) puis enfin de Chicago (comme professeur émérite de théologie).
Les premières publications de Ricœur sont des études sur Edmund Husserl, Martin Heidegger, Karl Jaspers, et Gabriel Marcel. Dans la Philosophie de la volonté, il s'efforce de cerner, après une étude du « volontaire » et de « l'involontaire », la notion de « faillibilité » : « La limitation propre à un être qui ne coïncide pas avec lui-même est la faiblesse originaire d'où le mal procède. »
Ricœur développe ensuite, dans des ouvrages comme la Symbolique du Mal (1960), à la suite de l'Essai sur le mal de Jean Nabert, une théorie herméneutique inspirée du double héritage des traditions de pensée spirituelle et philosophique. Il s'est attaché à réconcilier des perspectives divergentes — phénoménologie, existentialisme, herméneutique, psychanalyse, structuralisme, théorie narrative et déconstruction. Si sa pensée ne peut être érigée en système, son cheminement n'en est pas moins cohérent. Le souci majeur de sa pensée est d'élaborer une méthode capable de pondérer les exigences de la pensée moderne, celle de la révélation. Cette méthode lui semble la seule capable d'éviter, d'une part, les excès du dogmatisme religieux et, d'autre part, les limites d'une perspective rationaliste, fermée à toutes les sources d'inspiration imaginative. C'est dans cet esprit qu'il s'efforce de repenser la « vieille querelle » (comme la désignait déjà Platon) entre poésie et philosophie, foi et raison, ou intuition créatrice et compréhension éclairée autocritique.
La philosophie herméneutique telle que la conçoit Ricœur est portée à admettre tout ce qui donne sens, à se laisser interpeller par le symbole (« le symbole donne à penser », écrit-il dans la Symbolique du mal), tout en conservant une réflexion philosophique rationnelle. Il met en valeur un « conflit des interprétations », problème majeur par lequel l'herméneutique devient philosophique.

Les écrits ultérieurs de Ricœur développent les conséquences de cette « double herméneutique » dans les champs les plus variés : la psychanalyse, dans De l'interprétation. Essai sur Freud (1965), la théorie de la métaphore, l'historiographie et l'éthique (notamment dans Soi-même comme un autre, 1990), la théorie politique et la philosophie de l'esprit et de la connaissance. Son œuvre la plus imposante est sans nul doute Temps et Récit (trois tomes publiés entre 1983 et 1985), ouvrage dans lequel Ricœur livre un exposé synoptique des diverses modalités de la conscience du temps — objective et subjective, historique et fictive, chronométrique et phénoménologique — telle qu'elle est décrite ou transparaît implicitement dans les œuvres d'historiens, de théologiens, de romanciers, d'artistes et de philosophes occidentaux depuis Aristote.

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