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Stanley Cavell

Stanley Cavell

Cavell (1926- 2018), philosophe américain.

Son œuvre est atypique du fait de la diversité apparente de ses centres d’intérêt : les travaux de Wittgenstein et d’Austin, mais aussi le cinéma américain, le théâtre de Shakespeare, ou Freud.
La recherche de Cavell s’organise autour du commentaire des pensées dominantes aux États-Unis, sous l’éclairage notamment de Thoreau et surtout du « perfectionniste moral » Emerson, qu’il considère comme un précurseur de Wittgenstein et de Heidegger.

Cavell puise donc dans les différentes formes de l’expression humaine ce dont il a besoin pour exemplifier ce qu’il veut exprimer. C’est ainsi que, pour découvrir sa pensée, à moins de s’en tenir à n’y voir qu’un remarquable travail d’exégèse et de critique des auteurs qu’il fréquente, il est nécessaire d’interpréter ses propres interprétations des œuvres des autres, qui portent ainsi sa voix. Nombreux sont ceux qui lui ont reproché l’obscurité de son style, sans voir qu’il est l’expression même de ses préoccupations psychophilosophiques.

L’unité de l’œuvre de Cavell se fait autour de sa réflexion sur le scepticisme et ce qu’il engendre. Pour lui, les critères ne sont pas des conditions d’assertion qui assurent la vérité (la certitude). Le recours aux critères, même s’il tire son importance de la confrontation avec le scepticisme, n’en est pas et n’a pas l’objectif d’en être la réfutation. Le vertige sceptique apparaît lorsque la description ne correspond plus avec la vérité. Le doute s’installe : on ne reconnaît plus ni autrui, ni soi-même. Il y a alors impossibilité de constituer la certitude de soi sans admettre qu’elle se perçoit dans une autre conscience. Le scepticisme apparaît comme la trame de l’incertitude. Il engendre une méconnaissance des autres, que l’expérience de la vie résoudra peu à peu. Cavell distingue deux genres de scepticisme : sur la connaissance et sur autrui.
Le malheur se révèle dans le manque de congruence entre ce que l’on exprime et ce qu’on veut exprimer : souvent, nos mots se renient eux-mêmes, et perdent leur sens. Nos paroles dépassent ainsi nos pensées : nous sommes davantage possédés par le langage que nous ne le possédons. Ce manque de pouvoir que nous avons sur notre expression fait que nous avons l’impression que les mots nous trahissent, nous quittent. D’où « la terreur d’être expressifs au-delà de nos moyens », bien que nous ayons à « supporter » le langage. Cette crainte d’être expressif au-delà de ce que l’on voudrait, ou au-delà de ce que l’on éprouve, peut bloquer notre communication. Ramener le langage dans sa naturalité originelle, celle du corps et du quotidien, « y renaître » : tel est le projet de Cavell.
Ses principaux ouvrages sont les Voix de la raison (The Claim of Reason, 1979) et Une nouvelle Amérique encore inapprochable (This New Yet Unapproachable America, 1989).

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